BANCAL ITW / THOMAS BENEDETTI EN CAMPAGNE

C’est pas tous les jours qu’on parle de politique, en bmx en tout cas. Pourtant, par notre pratique créative, originale et en marge d’autres activités, on invite aussi les gens qui nous entourent à repenser leur environnement.

A tel point que certains politiciens appellent des pratiquants à rejoindre leur liste électorale. C’est le cas de Thomas Benedetti, avec qui on discute de tout ça dans la suite…

T’as toujours habité à Cluses ? C’est comment là-bas ? Combien d’habitants à peu près ?
Oui, je suis natif de Cluses, donc ça fait 26 ans que je vis là-bas. Le nom de la ville signifie que l’ont vit dans un creux de montagne, c’est une ville sympa où les choses sont en train de bouger ! On est entouré de montagnes, le Mont-Blanc n’est pas loin, l’Italie et la Suisse non plus. C’est une ville d’environ 18 000 habitants.

A quel niveau est-ce que ça bouge ? Et par rapport à quoi avant ?
On sent vraiment un changement depuis que le maire actuel est arrivé il y a deux ans. Ce n’est plus une ville dortoir comme on disait avant, surtout pour nous les jeunes. Par rapport à l’attention qu’ils nous portent déjà. En exemple, pour le contest que j’ai fait l’an passé, c’est la mairie qui est venue me demander de créer un ou plusieurs projets pour la ville. Donc j’ai monté ce projet en grande partie solo, pour moi c’était ambitieux et jamais j’aurais pensé que ça puisse passer honnêtement. Et finalement, en un rendez-vous, ils m’ont validé le projet et je me suis retrouvé dans la merde (rires) j’avais plus le choix !

Du coup j’imagine qu’il y a de futurs projets en vue ? Un gros park peut être ? Un nouveau contest avec plus de budget ?
Oui je bosse sur le prochain contest pour cet été. Je suis aussi en projet avec la mairie et je les pousse pour réaliser un skatepark indoor, sachant qu’on a rien dans la région à moins de deux heures et que les hivers sont durs vers chez moi, surtout pour rouler !
En plus de ça, je bosse avec les skateurs de ma ville pour essayer d’aménager une petite place, un espace public qui serait pour n’importe qui en étant praticable pour le skate/bmx.
Maintenant on attend le 15 mars et les élections pour voir ce qu’il va se passer !

Est-ce que tu t’intéressais à la politique locale (et nationale/internationale) jusqu’à maintenant ? Est-ce que tu penses que c’est la meilleure solution pour avoir des spots ?
Franchement pas vraiment. J’ai bien dit au maire que je ne voulais pas être là pour me faire mousser sur des évènements ou serrer des pinces (rires) ! Et en plus de ça il n’a pas d’étiquette politique donc ça me va.
Je pense que ça peut aider certaines mairies à éviter de jeter de l’argent par les fenêtres pour créer des spots qui n’ont aucune logique. J’ai encore vu récemment une ville proche de la mienne qui a créé un park impraticable. Après je ne pense pas forcément que ça soit nécessaire mais ça apporte une certaine crédibilité. Ça m’est tombé dessus après qu’ils aient beaucoup apprécié le contest de l’été dernier et depuis ça il y a un gros engouement pour les sports extrêmes dans ma ville, c’est fou ! J’ai eu le choix, c’est une expérience, je la prends.

On te verra pas en costard pour inaugurer les nouveaux skateparks du coin alors (rires) ?
Ah ça non (rires) !

Donc tu sais qu’ils vont un peu « se servir de toi » et de ton image pour plaire à un électorat intéressé par le bmx (et activités assimilées). Est-ce que ça t’embête (même qu’un tout petit peu ?) ou bien tu acceptes complètement en te disant qu’après tout tu « profiteras » aussi d’eux pour pousser des events et des skateparks ?
Oui j’en suis conscient, c’est pas forcément les jeunes qui votent le plus (rires) c’est aussi pour montrer qu’ils vont vraiment agir, parce que si je les suis ce n’est pas pour rien ! Je m’en fous complètement et moi aussi je vais profiter de ça pour appuyer mes projets et mes events. Après je participerai surement à d’autres projets mais pas n’importe quoi.

De plus en plus de jeunes ont l’air de s’intéresser à la politique malgré tout, on en voit de plus en plus sur des listes. Tu penses qu’ils y voient un vrai moyen d’agir ou bien une façon de rentrer dans un milieu où il y a possibilité de gagner de l’argent ?
Je ne sais pas trop franchement, les gens sont différents, je pense que dans les petites villes comme la mienne les jeunes qui sont sur des listes y sont pour agir. Dans les grandes villes je ne saurais pas te répondre. Personnellement, je ne toucherai pas d’argent, je fais ça bénévolement pour essayer de faire bouger les choses chez moi parce qu’il n’y a jamais rien eu pour le vélo. Ce maire m’a tendu la main et veut continuer donc j’y vois de bonnes choses. C’est mon humble avis, je n’ai pas fait science-po (rires) !

Pas d’argent à la mairie, plus d’argent avec Unicorn, comment tu vas faire (rires) ? Racontes-nous un peu ces dernières péripéties !
Braquage de banques, gagner à l’euromillion, je verrai (rires) ! Plus sérieusement, je vais me trouver un travail qui me plaît. Je bosse beaucoup en intérim en Suisse, donc il me faut une semaine pour gagner un smic français (rires).
Oui du coup je ne roule plus pour Unicorn, je n’ai pas renouvelé mon contrat, on avait plus les mêmes attentes. C’est clairement le team qui m’a fait rester jusqu’à présent parce que c’est la famille ! Ça faisait un moment que j’y réfléchissais, je ne voyais plus mon avenir dans la marque.
Je me suis aussi posé beaucoup de questions par rapport au bmx. Je perdais un peu le goût d’aller rouler et ça m’a rongé. Rouler pour essayer de gagner ta vie, il y a un moment où je pense que tu n’as plus autant de plaisir à faire du bmx. Je me suis retrouvé dans cette impasse.
Je vais maintenant rouler encore plus pour moi, sans contraintes ou quoi, et je t’avoue que ça paye déjà, je kiffe mes sessions en ce moment !

photo : Wes McGrath

Sur quels sujets tu ne t’y retrouvais plus chez Unicorn ? Ça te permettait d’en vivre ou pas ?
Les contrats ne correspondaient pas à mes attentes. L’image et la direction de la marque, les choix qu’ils faisaient, etc. Ça permettait d’en « survivre » (rires) mais je n’avais pas qu’eux qui me payaient. Après j’avais un bon budget déplacement l’an passé donc ça m’a permis de bien bouger et puis ils injectent de l’argent dans le bmx, je trouve ça toujours bien.
Mais bon, en France et en Europe, hors contests et démos, je pense que c’est la merde pour en vivre. C’est cool, les à-côtés sont trop bien, les trips entre potes, mais à un certain moment si tu veux avancer c’est compliqué ! Faut être youtuberrrrrrr (rires) !

Lance une chaine youtube pour la ville de Cluses (rires) !
Non merci (rires) !

Est-ce que d’avoir eu ton demi-frère déjà impliqué dans l’industrie ça t’a aidé à y faire ta place ? Est-ce que du coup t’as pas la sensation qu’il faut encore plus « faire ses preuves » ?
Beaucoup de gens croient que c’est grâce à mon frère que j’en suis là mais ils se trompent ! Y a rien à dire, si j’ai commencé le bmx c’est grâce à lui. On essaye toujours de s’inspirer de son grand frère, il n’y a pas de « demi-frère » dans la famille. Mais les gens oublient que nous n’habitons pas à côté et que pendant des années, faute de permis de conduire, on avait du mal à rouler ensemble. On a des styles de ride vraiment différents et c’est ce que j’apprécie ! Mais je pense, et je sais que Kevin me l’a déjà dit, le fait d’être son frère m’a déjà porté préjudice par le passé. Les gens disaient « c’est normal c’est le frère de Kevin » ou c’est grâce à son frère qu’il en est là ». Mais il y a aussi les gens qui captent pas du tout, puisqu’on a pas les même noms, et qui, quand ils l’apprennent, trouvent ça cool ! C’est ce que je kiffe avec mes frères, que ce soit Enzo ou Kevin, malgré la même passion, on la vit à notre manière avec chacun notre style. On kiffe les sessions ensemble. C’est une chance de ouf de pouvoir vivre la même passion entre frères, même nos darons sont à fond !
Donc j’ai pas forcément eu à faire plus mes preuves mais il y a certain moment où ça m’a compliqué la tâche mais Kevin m’a toujours soutenu donc je m’en fous un peu.

photo : Eisa Bakos

De toute façon personne peut remettre en question ta légitimité depuis pas mal d’années ! Et justement, tu avais eu des approches de la fédé, non ?
Oui et non. Je me suis entretenu avec Patrick (Guimez ndlr) au téléphone, avec le Serge (Froissart ndlr) sur un event FISE et il me demandait « pourquoi je ne faisais pas tous les FISE ». Ma réponse a été que tu as autant, voire plus, de légitimité de te qualifier sur une Vans Pro Cup qu’un FISE.
Je me suis aussi entretenu avec un gars de la mairie qui est à fond dans le cyclisme et la FFC, je lui ai dit qu’une fédération est là pour fédérer et qu’avec le bmx ils divisent plus qu’ils ne fédèrent ! Ils agissent parfois à titre perso et se permettent de boycotter certaines personnes ! Les riders en France et ailleurs donnent beaucoup aux Fédé et n’ont pas forcément en retour.
Je vais peut-être avoir l’occasion de m’entretenir avec une personne bien placée dans la Fédé. Si ça se concrétise, je ne manquerais pas de leur dire ce que j’en pense et ce que beaucoup d’autres personnes en France pensent !

T’es pas sur les listes des sélectionnés alors ? Ou bien tu veux pas jouer leur jeu à fond (participer aux tournées FISE, etc.) ?
Ah non (rires) ! Je pourrais jouer le jeu à fond mais je prends pas de plaisir à faire leurs contests. Parfois c’est cool mais bon, une heure de practice à 50 pour rouler 45 secondes le park et pas avoir le droit de rouler en plus, c’est pas ce que je kiffe !
Après je n’ai rien contre eux, par exemple quand j’ai fait mon contest l’an passé, les premiers riders que j’ai contacté c’était Jeanjean, Caillet et Bringer. C’est mes potes, je les adore ! Ils ont joué le jeu et sont venus à mon contest au lieu d’aller au championnat d’Europe à Châteauroux. Et ils se sont d’ailleurs pris des avertissements de la Fédé parce qu’une personne à qui j’ai dit ce que je pensais de ces actions m’a boycotté ! Ils sont venus et se sont mis une mission en plus, j’ai vraiment apprécié le coup de main qu’ils m’ont donné ! Et je pense que beaucoup de personnes les jugent trop vite. Ils ont un bon état d’esprit et même après le contest ils ont continué de rouler avec tout le monde. Je me rappelle qu’ils s’amusaient à faire des 180 fackie sur le volcano (rires) en tout cas c’est des bons !

C’est dommage qu’ils croquent à la fédé du coup tu trouves pas ? Si ces mecs boycottaient peut-être qu’on entendrait pas du tout parler de tout ça, l’UCI serait vraiment off.
Non je préfère que ça soit eux franchement, on sait très bien que si ce n’était pas eux ce serait d’autres personnes. Ils ont une certaine légitimité, ils méritent ! L’UCI aurait trouvé d’autres riders dans tous les cas. Je sais qu’Anthony (Jeanjean ndlr) s’est déjà pris la tête parce qu’ils ne comprenaient pas que le park réservé à l’équipe de France ne soit pas ouvert à tous. Ils ne veulent pas rouler qu’entre eux, ils sont vraiment ouverts et comme je l’ai déjà dit précédemment, ils ont une bonne mentalité.

Et donc tu penses quoi du compte @teamfrancebmx et du règlement de compte qu’il y a eu ?
Je trouve ça drôle comme beaucoup de monde (rires) mais parfois j’apprécie moyennement qu’il taille des gens personnellement. Ça peut être blessant et c’est facile derrière un écran. Surtout quand tu n’as jamais rien fait à côté. Après je ne suis personne pour juger !
Pour le règlement de compte je pense que ça allait arriver un jour ou l’autre quand tu t’attaques personnellement au travail des gens. Mais bon, faire ça dans un skatepark et avec une arme je trouve ça un peu lâche, ça entache notre image et surtout faire ça devant des gamins quoi, c’est moche ! On a de meilleures valeurs à montrer avec notre sport (rires).

Oui mais si le travail (de la Fédé) mérite d’être critiqué, on devrait le faire, non ? (je dis ça sans être particulièrement amusé par ce compte à vrai dire ! Mais on a pas à se foutre sur le gueule pour ça d’après moi).
Oui pour ça je veux bien, mais quand il vise des gens personnellement (Patoche par exemple) qui eux ont fait des choses concrètes en vélo, je peux comprendre qu’ils se sentent salis et qu’ils prennent les choses à cœur. Mais de là à se battre physiquement c’est un peu trop.

photo : Cédric De Rodot

Finalement tu navigues un peu « entre les deux mondes », tu trouves ça compliqué par moment de te positionner ? Ou bien tu essayes justement de te faire un peu « médiateur » (si tant est que l’on puisse s’entendre, et après tout tant pis si on ne peut pas peut-être ?).
Ouais on va dire ça. C’est vrai que ça s’est bien segmenté le bmx. Pas qu’avec la Fédé, y a les streeteux, les parkeux et ceux du trail. C’était pas comme ça quand j’ai commencé, mais bon ça évolue bien avec le temps ! Donc fallait bien que ça arrive et que la Fédé viennent se servir de nous. Autant essayer de nous servir d’eux, même s’il y a plus de contraintes que d’avantages (rires) !
Par exemple je vais voir s’il y a pas des subventions pour la création d’un skatepark. Pour le moment, si tu veux pas y être, au fond, à part les FISE et le park privé de Montpellier, ça change pas vraiment au niveau des contests.
Le siège de l’UCI est à 1h30 de chez moi, peut-être que j’y passerais à l’occasion (rires). D’ailleurs il y a un putain de park privé comme à Montpellier, c’est complètement con !

Au final effectivement il n’y a pas grand monde qui suit tout ça en fait (FISE, contests UCI, que ce soit en participants comme en spectateurs). J’ai l’impression que ça va crever tout seul avec le temps. T’en penses quoi ?
Franchement j’en sais rien, on verra avec le temps. Le truc c’est que j’ai l’impression que les jeunes kiffent de plus en plus les « sports extrêmes » plutôt que d’autres sports. Ça se démocratise, il y a de plus en plus d’infrastructures qui se construisent, même si c’est parfois fait à la va vite. 
Je le vois dans ma ville, depuis le contest de l’été dernier, j’hallucine du nombre de personnes qui m’en parlent, et pas que des jeunes ! Les adultes et les anciens adorent tout autant que nous et découvrent ces sports. Je le vois vers chez moi, beaucoup d’autres sports freestyle sont aux JO, comme le ski ou le snowboard, sauf qu’ils ont plusieurs disciplines (halfpipe, slopestyle, big air, etc). Nous il y a le park et le flat, ça aurait été bien de voir du street, du dirt, du bowl.
On verra avec le temps si ça peut nous aider dans le milieu, faire avancer les choses. Si de nouveaux jeunes se mettent au bmx tant mieux, sinon tant pis! Ça ne changera rien à nos valeurs. Faut juste que les parents se détendent un peu avec leurs gosses, sinon ils vont les dégoûter.
C’est comme avec Unicorn, on peut dire tout ce qu’on veut mais il y a un point à soulever, c’est qu’il y a quand même pas mal de jeunes qui se sont mis au bike grâce à ça. Ça fait bouger l’industrie, ça donne de la visibilité. Pas forcément celle que tout le monde aimerait voir mais quand même.

S’il y a beaucoup de monde qui se met au bmx ça veut dire que certains y voient de l’argent et souvent c’est pas les plus crédibles ou les plus passionnés qui vont croquer. Tu penses malgré tout que l’expansion est une chose bien ? (à l’échelle de l’économie mondial on se rend bien compte que la croissance à outrance est justement une erreur).
Ouais y a de ça aussi mais c’est comme partout je pense. C’est ce que je reproche aux fédérations parfois, de plus croquer que de redonner. J’ai déjà eu cette conversation avec un autre élu de ma mairie qui s’occupe du judo, on était sur la même longueur d’ondes. Quand tu vois le prix pour organiser une coupe de France, pour en plus devoir agir selon leurs règles. C’est pour ça qu’ils ont du mal à en organiser ! Après on est quand même un petit milieu donc je pense qu’il faut se développer encore un peu. On pourrait débattre des heures là-dessus, il y a de très bons côtés comme de très mauvais. Au moins on pollue moins que les voitures, c’est déjà ça (rires) !


Interview par Simon CASSOL
Réalisé via DM entre le 11/02 et le 18/02

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