BANCAL ITW / ALEX VALENTINO

Maintenant 10 ans que MArieJADE existe et plus de 15 ans qu’on voit Alex Valentino devant et derrière l’objectif. Peu de pro français garde cette longévité, cet engagement et surtout cette crédibilité. Le secret? Peut-être de faire les choses à sa manière, entouré des siens, sans rien attendre de personne.

Alex reste quelqu’un de pudique et mystérieux, on espère donc que cette interview vous aidera à en apprendre un peu plus sur lui et ses valeurs.

BANCAL : Alors c’est vraiment la fin de MJ?
ALEX : Je vais dire ce qu’un mec qui a deux pénis répondrait à son tailleur s’il lui demandait s’il le porte à droite ou à gauche.

B : (Rires) donc oui! (référence au film Slevin, ndlr) Comment a évolué l’engouement autour de la marque depuis ses débuts il y a 10 ans?
A : Oui et non, « No future » est une petite mort parce que pour une bonne partie des acteurs de ce projet c’est une conclusion et il sera difficile de réunir à nouveau tout ce monde. Beaucoup de riders du crew ont déjà raccroché les gants et « No Future » était pour eux une manière de faire honneur une dernière fois à MArieJADE. Ceci étant dit un crew ne meurt jamais.
MArieJADE à la base c’est une bande de potes venant du même coin de la France, c’est très simple mais à une époque la plupart des marques avaient pour but d’avoir la meilleur team possible, on s’est concentré sur l’énergie de groupe avec le concept de crew, l’inspiration venant sûrement des vidéos Midwest Bmx ou V Club.
Les vidéos prennent très vite et une dynamique positive s’installe, une main lave l’autre, en 2009-2010 je suis à mon « Prime-time » et le crew est mené par des riders confirmés comme Joris ou Badet, de plus jeunes émergent grâce à cette exposition et la marque en bénéficie, tout ça avec un design de t-shirt très reconnaissable même sur des vidéos SD, même avec une connexion en 56k. MarieJADE écrit le plus gros possible sur un T-shirt, c’est simple le Propagande est à ce jour le modèle le plus vendu par la marque. Dans le Bmx qui peut s’asseoir à la table du Propagande et dire «j’ai été plus vendu que toi» ?
Après MArieJADE ne fait pas l’unanimité, peut-être à cause de l’attitude démontrée dans la phrase précédente mais l’engouement est certain et au fur et à mesure des projets, « Heavy in the Game » , « Milkshakes »  , « Chut! » , « No Future » même ceux qui n’étaient pas ralliés à la cause ne nous ont montré que du respect.

B : Combien de collections sont sorties? Et combien de pièces vendues à peu près?
A : Je suis incapable de te donner un chiffre exact, les premières années on parle de quelques pièces et à partir de 2012-2013 on est sur 2 à 3 collections par an. Il y a toujours une très forte demande surtout à l’annonce de projets vidéos.

B : Est-ce que tu as gagné de l’argent avec MJ? Ou bien tu réinjectes tout?
A : MArieJADE ça reste un business à petite échelle et tu ne peux pas vraiment gagner de l’argent à ce niveau-là, il vaut mieux le faire pour la passion.

B : D’après toi, pourquoi la France est en retard niveau « mode bmx »? Ou bien t’estimes qu’elle ne l’est pas justement?
A : On n’est pas du tout en retard, bien au contraire, je dirais même que la France est plus ouverte aux tendances que les autres pays. MArieJADE sort les premières « Dad Hat » et bananes en 2014 et 2015 et le marché français a tout de suite suivi. Même si aujourd’hui ces produits sont considérés comme des basiques dans le monde du BMX, à l’époque personne ne l’aurait parié. 
On est peut-être en retard sur pas mal de choses mais pas à ce niveau-là.

B : Sur quels points tu penses que l’on est en retard du coup?
A : (Rires) C’était une façon de parler mais je pense que ces derniers temps on est un peu absent de la scène internationale, on n’a plus de marque de vélos, plus vraiment de média, peu d’events et c’est dommage.

B : Ça semble un peu frileux en France dans le business, tu trouves pas? Niveau financier personne ose vraiment investir dans un gros projet, alors que des choses seraient possibles, non?
A : Il faut que la scène continue de soutenir les choses bien, La Street Station est l’un des meilleurs évènements européen et il faut continuer à y aller, il y a des shops motivés dans toute la France il faut continuer à acheter chez eux, il y a de la motivation à tous les niveaux.
Il faut arrêter d’être complexé, montrer du soutien et peut-être que plus de personnes oseront investir dans le Bmx en France.

B : Et concernant la presse, t’en penses quoi au niveau international? Et national, parles-nous de ton expérience avec Grande Rue?
A : Certaines personnes sont tellement influentes que même les plus gros médias ne peuvent pas rivaliser. Chacun fait sa propre presse et tout le monde est la star de quelqu’un, il n’y a plus de codes. On est tous nostalgiques de l’époque « Props » avec Soul, Cream, BMX-up mais c’est une autre époque. Pour moi la « presse » est en soin palliatif. J’ai pris beaucoup de plaisir à faire Grande Rue et même si j’ai perdu pas mal d’argent l’expérience reste très positive.

B : En tout cas pour en vivre ça semble clairement fini (sauf DIG/ourbmx par exemple). Tu penses que ça veut dire qu’il n’y aura plus vraiment de média? Ou bien tu crois que des choses peuvent changer? 
A : Je ne suis pas très optimiste mais il faut continuer, présenter un contenu de qualité, de l’art et des sujets intéressants.

B: À ce sujet, on te voit beaucoup peindre depuis quelques temps. Ça t’a toujours intéressé? Quel est ton rapport à l’art et l’esthétique en général? (Tous arts confondus)
A : Je suis intéressé par toutes formes d’art même si je penche plus du côté de l’art visuel, pour moi la photographie, la vidéographie et la peinture c’est la même chose.

autoportrait par Alex

B : Quelle place prend le bmx (la pratique j’entends) dans ta vie maintenant?
A : J’ai réussi à avoir une part dans le DVD No future, c’est déjà pas mal.

B : (Rires) Carrément! Et comment tu arrives à organiser ça avec ton boulot et ta vie de père? 
A : Je fais comme tous les autres pères de la planète, j’organise mon temps et je ne suis pas tout seul, Ceilidh prend en charge pas mal de choses et  Billy passe la plupart des weekends chez mes parents mais oui on a pas le temps de s’ennuyer.

B : Est-ce que t’as des projets en cours dont tu peux nous parler?
A : Dans la situation actuelle avec le Covid-19 il n’y a rien de prévu.

B : Comment la situation est ressentie dans l’industrie du coup? Tu penses que ça va changer le business ou tout le monde va repartir tête baissée de plus belle?
A : Personne n’a vraiment la réponse, c’est une situation compliquée.

B : Combien de temps tu passes sur instagram par jour ? Est-ce que t’aimes y aller ou c’est principalement pour le taf ?
A : On est au jour 15 du confinement et hier j’ai passé 1h13 sur Instagram et l’application que j’ai le plus utilisée hier c’est Chess avec 1h31 d’après « temps d’écran ». Instagram est une application incroyable surtout dans un sport à image comme le nôtre et il faut donc forcément y consacrer un peu de temps.

B : Qu’est ce qui te manque dans le bmx d’avant ?
A : Je pense que Mike Aitken manque au BMX d’aujourd’hui, je trouve que le style est vraiment passé au second plan depuis que Aitken n’est plus vraiment là pour nous montrer la voie. Sinon c’est vrai que c’était bien cette époque midschool avec les Props, les magazines et le punk rock mais il faut vivre avec son temps, aujourd’hui on a Instagram, Tik Tok et…ça craint. 
C’est un truc de fou comme on était beaucoup plus stylé alors qu’on piquait juste les vêtements du daron pour être baggy.
Plus sérieusement, je suis juste content d’avoir vécu cette époque mais c’est du passé, ce qui manque c’est d’avoir 15 ans et passer ses journées avec les potes sans se soucier de rien, pouvoir regarder son vélo pendant des heures parce que ce stickers est vraiment bien collé, être trois à regarder un appel de bosse parce qu’il est vraiment bien shapé ou être automatiquement amis avec quelqu’un qui fait du Bmx. Le monde était vraiment mieux avant le 3G.

photo : Eisa Bakos

B : Malgré ça t’as quand même bien réussi la transition avec le monde actuel je trouve. Qu’est-ce que tu trouves de positif au bmx d’aujourd’hui ?
A : Oui je me suis réinventé au fur et à mesure que le sport a évolué et il y a énormément de points positifs dans le BMX d’aujourd’hui. Le matos et les vélos sont mieux, il y a énormément de riders talentueux filmés par des gars talentueux, on peut suivre son rider favori en temps réel et de manière générale il y en a pour tous les goûts. Par contre la FFC/UCI ne fait pas partie des positifs.

B : On revient souvent sur la FFC dans les discussions, peut-être même plus encore que ceux qui justement l’aiment et l’encouragent (rires). Pourquoi tu penses qu’on prend ça tellement à cœur ?
A : Quand j’étais petit j’adorais le foot et j’étais d’ailleurs très bon, j’avais toujours un ballon et mes oncles m’appelaient même Ronaldo (R9). Du coup ma mère m’a inscrit au club de ma ville et j’ai détesté parce que soudainement il y avait des horaires à respecter, des entraîneurs et surtout une pression énorme et tout ça m’a fait croire que je détestais le foot alors qu’en réalité je n’aimais juste pas la manière dont c’était encadré. J’ai fait du BMX juste après.
Il faut comprendre que la plupart des gens qui ont été attirés par le « BMX freestyle » ou d’autres sports extrêmes voulaient éviter toutes formes de structures d’où le « Freestyle » et pour moi il y a une réelle opposition entre les raisons pour lesquelles j’ai commencé le BMX et le concept de fédération.
Le BMX et autres sports extrêmes en sont là aujourd’hui parce que les X-games font un meilleur audimat que les Jeux Olympiques et c’est tout. Ils ont désespérément besoin de rajeunir leur image s’ils ne veulent pas disparaître comme le téléphone fixe.
Après je crache dans la soupe, j’étais aux étoiles du sport cette année et j’ai passé un moment fantastique.

B : C’est marrant justement que vous ayez pris deux chemins (du bmx) différents avec ta sœur ! Comment t’expliques ça ?
A : Ça ne s’explique pas vraiment, elle a juste continué dans la race.

B : Et pour finir, balances-nous une anecdote sur Badbad? (rires)
A : Je ne suis pas une poucave (rires) !


Entretien réalisé par mails interposés entre le 10/03 et le 31/03.

3 485 commentaires sur “BANCAL ITW / ALEX VALENTINO”

Répondre à CarlSob Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.